Les récents meurtres tragiques de personnes noires et autochtones lors d’altercations avec la police figurent de nouveau au premier plan des débats publics, des protestations et de l’action communautaire. Au Canada, nous nous souvenons avec tristesse de Chantel Moore, Regis Korchinski-Paquet, Caleb Tubila Njoko et D’Andre Campbell qui sont morts, cette année, au cours de contrôles de bien-être effectués par la police. Avant cela, beaucoup ont été tués. L’expérience de bon nombre de personnes n’a pas retenu l’attention du public, parce qu’elle n’a pas provoqué leur décès. Néanmoins, durant des affrontements, des policiers les ont examinées, ciblées, harcelées et attaquées.

De toute évidence, ces affaires suivent un schéma familier; elles ne résultent pas simplement des actions de policiers individuels. Le comportement de chaque agent est ancré dans les politiques, les pratiques et la culture institutionnelle de la police. Dans chaque province et territoire, le système d’application de la loi est enraciné dans l’histoire coloniale du Canada et ses déséquilibres de longue date en matière de pouvoir raciste. Les personnes et les communautés noires et autochtones ne bénéficient pas de la sécurité, du respect, de la liberté et des soins auxquels elles ont droit en raison de ce contexte colonial. Elles sont également confrontées à des niveaux élevés de discrimination et à des résultats économiques, sociaux et sanitaires difficiles.

Dans cet état de fait, la police ne veille pas à servir et à protéger tous les citoyens de manière égale.

Cette réalité a entraîné de terribles conséquences. Les femmes et les filles noires et autochtones, ainsi que les personnes bispirituelles, transgenres et non binaires, ne peuvent pas appeler la police en toute sécurité lorsqu’elles ont besoin d’aide. Elles n’arrivent pas à échapper aux situations d’abus : d’une part, la police les considère comme une menace et, de l’autre, elles courent le risque de violence fondée sur le genre. Les mères et aide-soignantes noires et autochtones vivent avec un lourd fardeau d’anxiété, de chagrin et de prise en charge des soins de leurs enfants, familles et communautés. Trop souvent, les filles et les jeunes gens noirs et autochtones se trouvent privés de soutien dans les écoles et lieux publics, et se font traiter de criminels.

Si l’on souhaite que la vie des femmes et des filles noires et autochtones, ainsi que des personnes bispirituelles, transgenres et non binaires soit respectée au Canada, et qu’elle compte vraiment, la brutalité policière et le racisme systémique doivent cesser.

Nous éprouvons de l’indignation, de la colère et une profonde frustration. De nombreuses études, enquêtes et demandes de renseignements à la recherche de solutions ont donné trop de recommandations qui sont restées sans suite. Ce n’est pas suffisant! Depuis longtemps, nous avons un réel besoin de processus communautaires liés à la responsabilisation et à la surveillance des forces policières et de mesures du rendement basées sur la manière dont les membres les plus marginalisés de la communauté sont servis et protégés. De plus, nous devons imposer des conséquences financières aux mauvais rendements institutionnels et des conséquences pénales aux responsables des institutions. Au lieu de consacrer des milliards de dollars à la police et aux prisons, nous devons accorder la priorité aux interventions proactives de la communauté relativement à la criminalité et aux efforts de prévention qui ont fait leurs preuves.

La Fondation canadienne des femmes joue un rôle unique comme fondation publique canadienne en faveur de l’égalité des genres. À titre de dirigeantes féministes noires occupant les postes de présidente et directrice générale ainsi que de présidente du conseil d’administration, nous sommes très engagées dans le parcours entrelacé de justice raciale et d’équité genrée. La Fondation canadienne des femmes s’engage à :

  • veiller à ce que notre financement reste centré sur les femmes et les filles, ainsi que sur les personnes bispirituelles, transgenres et non binaires qui sont les plus marginalisées et les plus touchées par le racisme systémique;
  • surveiller et évaluer notre approche en matière de subventions afin de s’assurer que nous soutenons les programmes et organisations dirigés par des Noirs et des Autochtones;
  • continuer à apprendre et à agir en fonction de notre engagement envers l’équité, la vérité et la réconciliation;
  • utiliser notre voix organisationnelle pour promouvoir la responsabilisation de la police et la transformation des systèmes antiracistes dans l’application de la loi;
  • explorer des approches et des partenariats novateurs afin d’accroître la philanthropie et le soutien du gouvernement aux initiatives de lutte contre le racisme au Canada.

Paulette Senior
Présidente et directrice générale
Fondation canadienne des femmes

Angela Johnson
Présidente, conseil d’administration
Fondation canadienne des femmes