« Je voulais être une inspiration pour les femmes victimes de violence et abandonnées. »

À l’adolescence, Elizabeth Correia a été victime de maltraitance grave. Aujourd’hui, elle aide des femmes et des filles à renforcer leur autonomie. Propos recueillis par Anqi Shen pour le numéro Printemps 2015 du magazine Dit Elle.

DÈS LE PREMIER JOUR du programme d’aide aux entrepreneures, j’ai su que la vie m’avait fait un cadeau. Le fait d’avoir entendu deux filles en parler à l’église n’était pas le fruit du hasard. Je traversais une période de bouleversements et j’étais ouverte à la nouveauté. J’avais eu l’idée de fonder une entreprise qui aurait pour vocation de renforcer l’autonomie des femmes et des filles, mais je l’avais mis en veilleuse depuis trop longtemps.

Je suis née et j’ai grandi à Toronto au sein d’un foyer où régnait la violence. Mon père était alcoolique et il nous infligeait des sévices sexuels, physiques et psychologiques. Lorsque j’ai eu 14 ans, ma sœur et moi avons été placées en famille d’accueil.

À l’âge de 15 ans, j’ai commencé à sortir avec un garçon qui était extrêmement violent à mon endroit. J’ai trouvé le courage nécessaire pour le quitter au bout de cinq ans. J’ai dû attendre jusqu’à la trentaine avant de pouvoir dire : « La page est tournée. Ma vie est stable maintenant, je suis mariée, j’ai un nouveau bébé. »

Tout semblait parfait jusqu’à ce que ma bulle éclate : j’ai découvert que mon mari avait commis l’adultère. Cette trahison a ravivé la souffrance familière que j’associais aux hommes. Il me fallait partir, mais je n’avais nulle part où aller. J’ai trouvé refuge dans une maison d’hébergement avec mon fils de 17 ans et mon petit garçon d’un an.

Mon séjour là-bas m’a ouvert les yeux. Certaines femmes n’avaient ni argent, ni travail ou famille. La plupart avaient eu un conjoint violent. J’ai oublié mes propres problèmes. J’avais un but plus important : prêter ma voix aux personnes sans voix. Je voulais être une inspiration pour les femmes victimes de violence et abandonnées. Mais je ne savais pas par où commencer.

Grâce au programme d’aide aux entrepreneures, j’ai appris à enregistrer une entreprise et à comprendre les notions de flux de trésorerie et de projection. Lorsque j’ai terminé la formation, j’avais en main un plan d’affaires professionnel bien conçu et tant de choses encore. J’ai bénéficié d’un soutien affectif, psychologique et spirituel qui m’a grandement aidée à reprendre ma vie en main. J’ai obtenu mon diplôme avec le sentiment que je pouvais désormais prendre mon envol.

J’ai démarré mon entreprise, que j’ai baptisée D.e.v.a. In You Group. J’anime des ateliers de développement personnel qui sont destinés aux jeunes. Un grand nombre de jeunes risquent d’abandonner leurs études ou sont empêtrés dans des réseaux de criminalité juvénile. Ce sont des mères adolescentes dans bien des cas. De temps à autre, je retourne chez Microskills pour parler aux nouvelles recrues.

De plus, je fais la tournée des écoles secondaires et je raconte mon histoire. Elle touche les jeunes, parce qu’ils sont nombreux à vivre une situation semblable ou à l’avoir connue.

Je leur dis : « On ne juge pas un leader au nombre de personnes qu’elle ou il dirige, mais au nombre de personnes à qui elle ou il rend service. » Chaque fois que je prononce cette phrase, je constate qu’elle trouve chez les jeunes un véritable écho.

Le programme Business Support Program for Women Entrepreneurs, offert par le Community MicroSkills Development Centre, a reçu un appui financier de la Fondation canadienne des femmes.