Les femmes et la pauvreté au Canada : les faits
Qu’est-ce que la pauvreté genrée ?
La pauvreté est un problème mondial et son éradication est d’une importance capitale (Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies). Elle est le déterminant le plus important en matière de santé (Organisation mondiale de la Santé). Douze pour cent de la population du Canada vit dans une pauvreté relative sur le plan du revenu, et 33 % risqueraient de tomber dans la pauvreté si elle devait renoncer à trois mois de revenu (OECD, 2020).
Pour les femmes et les personnes de diverses identités de genre, la pauvreté est attribuable à des facteurs uniques et conduit à des résultats uniques. Elle est ancrée dans le sexisme, la discrimination fondée sur le genre et d’autres formes de discrimination et d’obstacles interdépendants. Les femmes et les personnes de diverses identités de genre sont exposées à un haut risque de pauvreté en raison des barrières systémiques au travail et des réalités des emplois précaires et mal rémunérés. La pauvreté, l’instabilité économique et l’insécurité du revenu ont un impact direct sur la qualité de vie, la sécurité, le bien-être et l’accès aux besoins fondamentaux de l’être humain comme la nourriture, le logement et les soins de santé, ainsi que sur la capacité à prendre soin des personnes à charge.
Selon la mesure de faible revenu, 10 % des femmes au Canada ont un revenu peu élevé (Statistique Canada, 2022). Celles aux prises avec des obstacles multiples courent un plus grand risque de connaître la pauvreté, notamment les femmes racialisées, les femmes handicapées et les mères seules.
« La pauvreté est un problème complexe à multiples facettes qui doit être compris et traité dans une perspective holistique. L’expérience vécue de la pauvreté recoupe et informe les nombreux aspects de la vie des gens, notamment le logement, la santé, le revenu, l’emploi, la communauté et l’éducation. » [trad. libre] (MacKay, 2018).
« La féminisation de la pauvreté désigne le processus par lequel des facteurs culturels, sociaux et structurels qui sont profondément ancrés et multidimensionnels provoquent la pauvreté chez les femmes et les filles, et l’exacerbent. Dans les nations du monde entier, les femmes et les filles sont limitées dans leurs choix et leurs possibilités d’une manière que leurs homologues masculins ne connaissent pas, en raison des préjugés et de la discrimination liés au genre. » [trad. libre] (Melo, 2019).
Selon la mesure du panier de consommation utilisée par le gouvernement du Canada, si une famille n’a pas un revenu suffisant pour acheter un panier particulier de biens et de services dans sa communauté, elle vit dans la pauvreté. La mesure varie d’un bout à l’autre du pays en fonction du coût de la vie (Heisz, Statistique Canada, 2019). La mesure du panier de consommation a ses limites. Par exemple, elle n’inclut pas les dépenses telles que les services de garde d’enfants ou les médicaments sur ordonnance, et elle peut sous-estimer les coûts de logement. Elle ne s’applique pas non plus aux territoires et aux réserves des Premières Nations, ce qui veut dire qu’elle ne tient pas compte des régions où la prévalence de la pauvreté et du faible revenu est élevée (Sarangi, 2020).
Statistique Canada (2022) rend également compte de la proportion de personnes vivant avec un faible revenu au moyen de la mesure de faible revenu, une mesure relative selon laquelle les personnes vivent dans une situation de faible revenu si le revenu après impôt de leur ménage est inférieur à la moitié du revenu médian après impôt, calculé en fonction de la taille du ménage.
Pourquoi est-il si urgent de mettre fin à la pauvreté genrée ?
La stabilité économique est importante pour la santé et le bien-être, la sécurité, la qualité de vie et les droits fondamentaux de chacun et de chacune.
La stabilité et l’indépendance économique des femmes contribuent à briser le cycle de la pauvreté pour elles, leurs enfants, les personnes à leur charge et les générations futures. Lorsque les femmes prospèrent, tout le monde prospère.
Maintenir l’écart entre les revenus et une société où les gens sont exposés au risque de pauvreté coûte cher. Chaque année, les contribuables ainsi que les gouvernements provinciaux et fédéral déboursent des milliards de dollars pour limiter les effets de la pauvreté et de ses répercussions négatives (Canada sans pauvreté).
C’est bon pour l’économie. Si le Canada faisait progresser l’égalité des genres et augmentait la participation des femmes au marché du travail, il pourrait ajouter 150 milliards de dollars à son PIB d’ici 2026 (Devillard et coll., McKinsey & Company, 2017).
Questions fréquentes sur les femmes et la pauvreté genrée
Au Canada, les femmes ont un revenu personnel moyen inférieur à celui des hommes, une tendance qui se maintient depuis 1976. En 2019, le revenu individuel moyen des femmes s’élevait à 43 010 dollars, contre 60 680 dollars pour les hommes. (Statistics Canada, 2021) Mais cette disparité entre les genres s’est réduite au fil du temps avec la croissance du revenu personnel des femmes (Fox et Moyser, Statistique Canada, 2018).
« En 2019, environ 1,44 million de femmes vivaient dans des familles à faible revenu au Canada. Les personnes de genre féminin représentaient la plus grande population vivant dans des ménages à faible revenu par rapport à leur homologue masculin » [trad. libre] (Statista Research Department, 2021).
En analysant les données fiscales de 2018, les déclarants (29,7 %) étaient plus susceptibles que les déclarantes (26,8 %) de se sortir de la situation de faible revenu dans laquelle ils ont vécu en 2017. La durée médiane de la période de faible revenu chez les hommes (2,3 ans) était plus courte que celle des femmes (2,6 ans) (Statistique Canada, 2021).
Environ un tiers des personnes au Canada (36 %) ont du mal à gérer leurs finances au quotidien et à payer leurs factures. Près d’une personne sur dix (8 %) dit prendre du retard dans le paiement de ses factures et d’autres engagements financiers. Les femmes sont moins confiantes que les hommes quant à leur capacité à gérer une dépense imprévue de 2 000 $ (Agence de la consommation en matière financière du Canada, 2019).
Le revenu des femmes est le plus élevé chez les couples et le plus faible pour les mères isolées. En 2016, « les mères seules affichaient le revenu ajusté moyen le plus faible (25 300 $), suivies des femmes vivant seules (33 700 $). Le revenu moyen ajusté des pères seuls et des hommes vivant seuls étaient semblables (environ 40 300 $). Notamment, le revenu ajusté moyen des mères seules était inférieur de 15 000 $ à celui des pères seuls » (Fox et Moyser, Statistique Canada, 2018).
Un ménage éprouve un besoin impérieux de logement s’il se situe en deçà d’une ou de plusieurs normes de qualité, de taille et d’abordabilité et doit consacrer au moins 30 % de son revenu avant impôt à un logement local qui répond aux trois normes (Société canadienne d’hypothèques et de logement, 2019).
Dans l’ensemble, 28 % des ménages dirigés par des femmes au Canada ont un besoin impérieux de logement. Quarante-deux pour cent des femmes vivant dans des réserves habitent des maisons qui ont besoin de réparations majeures (Women’s National Housing and Homelessness Network).
« Dans le passé, l’itinérance était un problème qui touchait principalement les hommes célibataires. Plus récemment, le problème a crû auprès d’autres populations. Les études ont mis l’accent sur les femmes, les peuples autochtones, les jeunes, les immigrants récents, les anciens combattants et les minorités sexuelles » (Uppal, Statistique Canada, 2022).
Trente-six pour cent des personnes sans abri au Canada s’identifient à des femmes (Women’s National Housing and Homelessness Network).
Parmi les personnes responsables des décisions relatives au logement pour leur ménage, « les femmes ayant vécu en situation d’itinérance ont fait état de moins bons résultats socio-économiques et en matière de santé que les hommes ayant vécu la même situation. […], parmi les personnes ayant vécu une situation d’itinérance sans abri et cachée dans le passé, les femmes étaient 23 points de pourcentage plus susceptibles que les hommes de déclarer avoir eu de la difficulté à répondre à leurs besoins financiers au cours de l’année précédente » (Uppal, Statistique Canada, 2022).
Étant donné que les femmes sont plus susceptibles de faire face à l’itinérance cachée, on a sous-estimé l’itinérance des femmes au Canada. « L’itinérance est souvent cachée derrière des portes fermées. Elles peuvent dormir sur le sofa de ses amis ou échanger des faveurs sexuelles contre un logement ou vivre dans un minuscule appartement surpeuplé. » Parmi les facteurs qui contribuent à l’itinérance chez les femmes de milieux différents et les personnes de diverses identités de genre, notons le manque de logements sûrs et abordables ainsi que la pénurie d’hébergement et de soutien particuliers pour répondre aux besoins de ces groupes. Les femmes et les filles autochtones ainsi que les personnes de diverses identités de genre sont confrontées à des niveaux très inquiétants de besoins en matière de logement. Les femmes sans abri et les personnes de diverses identités de genre sont particulièrement exposées au risque d’agression et de mauvais traitements ou de retour à des situations de maltraitance, ce qui peut perpétuer le cycle de la pauvreté et du sans-abrisme (Schwan et coll., 2020).
L’insécurité alimentaire est particulièrement élevée chez les femmes monoparentales ayant des enfants de moins de 18 ans (Statistique Canada, 2020). L’insécurité alimentaire est également plus importante pour certains groupes, notamment pour les ménages qui ont besoin d’aide sociale et les personnes qui s’identifient comme autochtones ou noires (Polsky et Garriguet, Statistique Canada, 2022).
Selon l’institut Angus Reid (2022), « une plus grande proportion de femmes que d’hommes font face aux augmentations du coût de la vie et font partie des groupes “perdant le rythme” ou “laissés pour compte” ». En ce qui concerne les dépenses imprévues, « si au moins la moitié des hommes de tous âges peuvent faire face à une dépense surprise de plus de 1 000 $, ce n’est pas le cas des femmes. Chez les femmes de moins de 55 ans, trois sur cinq disent plutôt qu’elles ne pourraient pas faire face à une facture inattendue aussi importante, y compris un quart des femmes âgées de 35 à 54 ans qui disent qu’elles ne pourraient pas gérer une dépense imprévue, car leur budget est déjà trop serré. » [trad. libre]
Le revenu peut provenir de plusieurs sources, notamment des revenus d’emploi, des investissements et des programmes de transfert gouvernementaux. « Chez les femmes en général, et comparativement aux hommes (66,9 % par rapport à 76,2 % en 2015), une plus petite part de leur revenu personnel provient des gains d’emploi, et une part similaire, de revenus du marché autres que des gains d’emploi (15,6 % et 14,4 %, respectivement) » (Fox et Moyser, Statistique Canada, 2018).
Dans l’ensemble, en 2021, le taux de participation économique (60,6 %) et le taux d’emploi (56,3 %) des femmes étaient inférieurs à ceux des hommes (69,6 % et 64,3 %, respectivement) (Statistique Canada, 2022). Le salaire horaire médian des femmes (24,40 $) est également inférieur à celui des hommes (28,00 $) (Statistique Canada, 2022).
Les expériences de pauvreté et de faible revenu dépendent des obstacles entrecroisés et des formes de discrimination auxquels les personnes sont confrontées en fonction de facteurs comme la race, le statut de citoyenneté, la sexualité, l’identité de genre, les capacités, l’état de santé et l’âge. Le taux de faible revenu chez les groupes suivants est particulièrement élevé :
- les femmes autochtones (32,3 %) (Statistique Canada, 2016);
- les femmes racialisées (21 %) (Statistique Canada, 2016);
- les femmes handicapées (23 %) (Wall, Statistique Canada, 2017);
- les femmes immigrantes qui se sont établies au Canada entre 2011 et 2016 (31,4 %) (Statistique Canada, 2016);
- les mères seules et leurs enfants (30,4 %) (Statistique Canada, 2016);
- les enfants de 0 à 17 ans vivant avec une mère seule (42 %) (Statistique Canada, 2017);
- les personnes 2SLGBTQI+, en particulier les femmes, les trans et les personnes de diverses identités de genre, ainsi que les personnes racialisées, autochtones, les nouvelles arrivantes, les jeunes et les aînées (Kia et coll., 2021);
- les femmes âgées de 65 ans et plus (16,3 %) (Fox et Moyser, Statistique Canada, 2018).
En ce qui concerne les personnes handicapées au Canada, « les femmes n’affichent pas seulement un taux d’incapacité supérieur à celui des hommes, elles sont aussi plus nombreuses que ces derniers parmi la population ayant une incapacité. De même, les femmes sont plus nombreuses que les hommes parmi les parents seuls, les personnes vivant seules, celles vivant dans la pauvreté et celles qui n’ont pas d’emploi, mais qui sont aptes à travailler. En outre, les femmes affichent généralement des taux d’emploi et des niveaux de revenu inférieurs » (Morris et coll., Statistique Canada, 2018).
Certaines populations sont confrontées à des taux plus élevés de besoins impérieux en matière de logement. Les groupes présentant des taux particulièrement élevés sont les femmes inuites (39,4 %), les femmes des Premières Nations (24,5 %), les femmes d’Asie occidentale, dont les Afghanes et les Iraniennes (31,2 %), les Coréennes (27,6 %), les immigrantes récentes (28,4 %), les femmes noires (22,4 %), et les femmes arabes (25,7 %) (Statistique Canada, 2019).
Parmi les personnes responsables des décisions relatives au logement pour leur ménage, « les Premières Nations vivant hors réserve (12 %), les Métis (6 %) et les Inuits (10 %) étaient plus susceptibles d’avoir vécu une situation d’itinérance sans abri que les non-Autochtones. L’itinérance était également plus courante chez les femmes de minorité sexuelle (8 %) » (Uppal, Statistique Canada, 2022).
En ce qui concerne les jeunes, il y a généralement plus de jeunes hommes sans-abri visibles que de jeunes femmes, ce qui peut être un résultat du fait que les jeunes femmes sont particulièrement exposées au crime et à la violence (y compris l’agression sexuelle) lorsqu’elles sont sans abri, ce qui les amène à trouver une alternative à la rue, même si elle présente d’autres risques importants (Canadian Observatory on Homelessness). Les jeunes LGBTQ2 sont également surreprésentés dans la population des jeunes sans-abri, et ils sont confrontés à des incidents fréquents de violence homophobe et transphobe dans la rue et dans l’accès aux services d’hébergement (Canadian Observatory on Homelessness).
Le rapport de la Fondation canadienne des femmes Tant que nous n’aurons pas toutes réussi met en lumière la façon dont les inégalités fondées sur le genre favorisent divers segments des groupes de femmes et de personnes de diverses identités de genre. Les principaux constats comprennent :
- 63 % des répondantes croient qu’une meilleure éducation les aiderait à générer un revenu qui couvrirait mieux les dépenses mensuelles et leur permettrait d’épargner un peu. Ce pourcentage passe à 72 % pour les personnes qui s’identifient comme 2SLBTGQI+ et à 68 % pour celles qui ont de 18 à 34 ans.
- 28 % des répondantes disent qu’il est difficile de trouver un logement abordable. Ce pourcentage passe à 33 % pour les répondantes racialisées, à 34 % pour les répondantes autochtones, à 37 % pour les personnes ayant un handicap physique et à 41 % pour celles souffrant d’autres déficiences, à 51 % pour les personnes qui s’identifient comme 2SLBTGQI+ et à 43 % pour celles qui ont de 18 à 34 ans.
- Vingt-six pour cent des répondantes disent avoir très peu d’argent une fois qu’elles ont payé leur loyer ou leur hypothèque. Ce pourcentage grimpe à 44 % pour les personnes ayant un handicap physique et à 35 % pour celles souffrant d’autres déficiences, à 31 % pour les nouvelles arrivantes et les immigrantes récentes, et à 46 % pour les personnes qui s’identifient comme 2SLBTGQI+.
Héritages coloniaux et racisme à l’endroit des Autochtones
En raison de la colonisation, des pensionnats et des politiques de marginalisation, les femmes des communautés des Premières Nations, des Métis et des Inuits font face à des taux d’emploi et à des revenus inférieurs en moyenne à ceux des femmes non autochtones, ainsi qu’à des obstacles socio-économiques complexes qui les empêchent de poursuivre des études supérieures (Arriagada, Statistique Canada, 2016).
Dans l’ensemble, « une marginalisation économique et sociale de longue date a amené un grand nombre de femmes autochtones à vivre en situation de vulnérabilité, notamment en itinérance et en relation de violence » [trad. libre] (Commission interaméricaine des droits de l’homme, 2014).
Racisme et discrimination envers les Noirs
Les récits d’esclavage et la discrimination actuelle fondée sur le genre et la race, notamment celle envers les Noires, ont de nombreuses répercussions sur les femmes noires. Le taux de chômage des Noires est environ deux fois plus élevé que celui des femmes non racialisées. Les femmes noires sont généralement confrontées à de plus grands obstacles pour obtenir en particulier des emplois bien rémunérés par rapport aux autres femmes racialisées et aux femmes blanches. Les Noires sont surreprésentées dans les emplois précaires et à temps partiel, et sont ancrées « de manière disproportionnée dans un cycle de pauvreté et de marginalisation » [trad. libre]. Plusieurs de ces problèmes trouvent leur origine dans les obstacles que les femmes noires rencontrent dès leur plus jeune âge, notamment la discrimination dans le système d’éducation, le marché du travail et le logement (Katshunga et coll.).
« […] parmi la population féminine du Canada, les Noires sont moins susceptibles de détenir un diplôme de niveau équivalent ou supérieur au baccalauréat. Les femmes noires en âge de travailler sont également moins susceptibles d’occuper un emploi que les autres femmes, les hommes noirs et les hommes du reste de la population […]. L’analyse comparative du salaire médian annuel dans les grandes villes canadiennes montre que les femmes noires sont moins bien loties que les autres femmes, les hommes noirs et les hommes du reste de la population […] » (Entreprise noire et Association Professionnelle, 2021).
Nouvelles arrivantes et immigrantes
Lorsqu’il s’agit de trouver un emploi, les nouvelles arrivantes et les immigrantes se heurtent à des obstacles, notamment la langue et un réseau social limité pour les soutenir dans leur recherche.
Souvent, les employeurs ne reconnaissent pas les qualifications scolaires et professionnelles acquises à l’étranger, ce qui signifie que les nouvelles arrivantes ne peuvent pas toujours accéder à des emplois mieux rémunérés. Parfois, elles doivent accepter des emplois pour lesquels elles sont surqualifiées. « En 2011, 48,6 % des immigrantes en emploi qui avaient un baccalauréat ou un diplôme de niveau supérieur occupaient un emploi pour lequel aucun diplôme n’était généralement exigé. Le pourcentage de femmes nées au Canada se trouvant dans la même situation était de 32,8 %. » (Hudon, Statistique Canada, 2015).
Grâce au programme des travailleurs étrangers temporaires, de nombreuses femmes viennent au Canada pour travailler dans les secteurs des services, des soins et du commerce de détail. Toutefois, elles se sentent vulnérables à la discrimination, à l’insécurité et aux abus sur le lieu de travail. Les personnes qui viennent au Canada dans le cadre de ces programmes tendent à avoir moins de protection que celles ayant un statut à part entière (White et coll., 2016). En général, lorsque leur statut d’immigration est précaire, les nouvelles arrivantes ont de la difficulté à obtenir de meilleures conditions de travail comme un salaire plus élevé, des horaires stables et des avantages sociaux (Dobrowolsky et coll.).
Racisme et inégalité des revenus
La croissance de l’inégalité du revenu demeure une préoccupation au Canada. Cela signifie que le fossé entre les personnes ayant le revenu le plus élevé et le plus faible se creuse.
En 2016, le un pour cent le plus riche de la population du Canada possédait un quart de la richesse du pays – un montant supérieur à la richesse totale détenue par les 70 % les plus pauvres de la population (plus de 24,5 millions de personnes) (Lambert et McInturff, 2016). Au Canada, les données sur l’inégalité des revenus mettent en évidence un modèle d’inégalité économique racialisée, et « les femmes racialisées font face à de plus grands obstacles à l’emploi et à l’accès à un travail bien rémunéré que les hommes racialisés, les femmes non racialisées ou les hommes non racialisés » [trad. libre]. En 2016, la population racialisée avait un taux de chômage de 9,2 %, contre 7,3 % pour la population non racialisée, et les femmes racialisées affichaient le taux de chômage le plus élevé, soit 9,6 % (Block et coll., 2019).
Capacitisme et obstacles à l’accès
« Au Canada, pauvreté et déficience sont largement synonymes : la pauvreté peut engendrer la déficience et vice-versa. […] Comparativement à leurs pairs masculins, les femmes handicapées sont plus défavorisées sur le plan économique. Les femmes handicapées participent beaucoup moins à la force active, ont moins accès aux programmes de soutien du revenu et subissent un taux de pauvreté beaucoup plus élevé » (Conseil des Canadiens avec déficiences). Un Canadien âgé de 25 à 64 ans sur 5 a au moins une incapacité, et les femmes sont plus susceptibles d’avoir une incapacité que les hommes (Wall, Statistique Canada, 2017).
« Les femmes en situation de handicap font face à une panoplie d’obstacles et de préjudices dans divers aspects de leur vie quotidienne tels que l’éducation, le travail et l’habitation. La discrimination vécue par les femmes en situation de handicap est complexe puisqu’elle est le résultat de l’intersection de multiples formes d’oppressions basées sur l’incapacité, le genre, l’orientation sexuelle, le niveau d’urbanisation, l’ethnicité, la culture, l’âge, les conditions économiques et le statut d’emploi » (Réseau d’action des femmes handicapées, 2014).
Homophobie et transphobie
Une vue d’ensemble de la recherche et des ouvrages disponibles indique que « les manifestations de la pauvreté semblent être liées au genre dans la mesure où elles semblent affecter de manière disproportionnée les femmes, ainsi que les populations trans et les personnes de diverses identités de genre » [trad. libre]. Les inégalités conduisant à une plus grande pauvreté pour les populations 2SLGBTQI+ se produisent à « plusieurs intersections tout au long de la vie » et sont affectées par « la race et le statut de nouvel arrivant, ainsi que l’autochtonie » [trad. libre] (Kia et coll., 2021).
Les membres de la communauté 2SLGBTQ+ sont victimes de niveaux élevés de discrimination, de harcèlement et d’hostilité en ce qui a trait au processus d’embauche et aux politiques et pratiques du milieu de travail, ce qui limite leur capacité à progresser sur le plan économique (Catalyst, 2021).
Femmes âgées et discrimination fondée sur l’âge
« Le taux de pauvreté chez les personnes âgées a tendance à être plus élevé chez les femmes, en particulier les veuves de plus de 75 ans. Cela est dû en grande partie aux allocations de retraite qui ont traditionnellement été liées aux antécédents professionnels » [trad. libre] (Conference Board of Canada).
Les interruptions pour des soins non rémunérés aux enfants ou aux personnes âgées sont plus susceptibles de limiter le potentiel de gain des femmes au cours de leur vie que celui des hommes. De plus, l’écart salarial entre hommes et femmes influence leur capacité à gagner et à épargner pour la retraite. Ayant sacrifié des possibilités professionnelles et financières pour s’occuper de leur famille, les femmes peuvent devenir particulièrement vulnérables à la pauvreté si elles divorcent ou se retrouvent veuves plus tard.
L’âgisme genré, un terme qui décrit l’intersectionnalité des préjugés liés à l’âge et au genre, peut également frapper les aînées. Il peut avoir un impact sur chaque étape de la carrière, à commencer par l’embauche (Catalyst, 2019). Il s’étend au traitement et aux possibilités au travail et s’ajoute aux difficultés que rencontrent les femmes pour entrer sur le marché du travail ou y revenir (Beaton, 2018).
Certains facteurs clés entrent en ligne de compte.
Fardeau de travail non rémunéré plus lourd
Les femmes consacrent une plus grande partie de leur temps au travail non rémunéré que les hommes. Elles consacrent en moyenne 3,6 heures ou 15 % de leur journée à des tâches domestiques et à des soins non rémunérés, comparativement à une moyenne de 2,4 heures ou 10 % de la journée pour les hommes (Statistique Canada, 2019). Par conséquent, de nombreuses femmes effectuent en réalité un « deuxième quart » de travail non rémunéré en plus de leur travail rémunéré, ce qui a un impact sur leur potentiel de revenu (Moyser et Burlock, Statistique Canada, 2018).
Les femmes sont plus susceptibles que les hommes de s’adapter aux défis que pose le travail rémunéré et non rémunéré (soins à la famille) en réduisant les heures de travail rémunéré ou en cessant temporairement toute activité rémunératrice. En outre, les responsabilités domestiques des femmes font en sorte qu’il leur sera plus difficile de saisir les possibilités d’avancement professionnel comme retourner sur les bancs d’école ou suivre un programme de formation professionnelle (Fox et Moyser, Statistique Canada, 2018).
Afin de s’acquitter de leurs responsabilités domestiques, plusieurs femmes occupent des emplois à temps partiel, saisonniers, contractuels, temporaires ou autrement précaires. En 2015, les trois quarts (75,8 %) des personnes travaillant à temps partiel au Canada étaient des femmes et le quart des femmes ont indiqué la prestation de soins aux enfants comme raison de travailler à temps partiel, par rapport à 3,3 % des hommes (Moyser, Statistique Canada, 2018).
Les scénarios de travail précaire, notamment les emplois instables, sans revenu prévisible, sans rémunération pour les jours de maladie, sans avantages sociaux et sans pension, sont en hausse. Soixante pour cent des professionnels employés de manière précaire sont des femmes (Hennessy et Tranjan, 2018). En 2018, plus de la moitié (55 %) des travailleurs touchant le salaire minimum étaient des femmes (Morissette et Dionne-Simard, Statistique Canada, 2018).
Manque de garderies abordables et de qualité
Le manque actuel de garderies abordables au Canada et l’absence de mesures de soutien en milieu de travail comme les horaires flexibles et les congés pour proches aidantes contraignent souvent les femmes à occuper des emplois qui limitent considérablement leur potentiel de revenu.
Les défenseurs des soins aux enfants et les chercheurs sonnent l’alarme : au cours de la dernière décennie, les services de garde d’enfants à but lucratif se sont développés à un rythme plus accéléré que les services et programmes d’apprentissage précoce et de garderie à but non lucratif, passant de 20 % en 2004 à 30 % en 2016. Or, les garderies abordables sont essentielles afin de permettre aux femmes de participer à la population active (Fondation canadienne des femmes et coll., 2020).
Les femmes qui interrompent leur carrière pour avoir des enfants ou en prendre soin pourraient pénaliser leur revenu. En 2016, les femmes âgées de 25 à 38 ans ont vu leur revenu diminuer de 4 % dans les cinq années suivant la naissance d’un enfant (Agopsowicz, RBC Economics Research). Selon des données recueillies en 2015, les mères ayant au moins un enfant de moins de 18 ans touchaient 0,85 $ pour chaque dollar gagné par les pères, alors que les femmes sans enfants recevaient 0,90 $ pour chaque dollar gagné par les hommes sans enfants (Moyser, Statistique Canada, 2017).
Écart salarial entre les genres
Selon Statistique Canada (2022), en 2021, l’écart salarial entre les genres pour les employés à temps plein et à temps partiel est de 0,89 $, ce qui signifie que les femmes gagnent 89 cents pour chaque dollar gagné par les hommes. L’écart salarial entre les genres pour les employés à temps plein est de 0,90 $, ce qui signifie que les femmes gagnent 90 cents pour chaque dollar gagné par les hommes. L’écart salarial se creuse pour les personnes confrontées à des obstacles multiples, notamment les femmes racialisées, les femmes autochtones et les femmes handicapées. Bien qu’il diffère selon le groupe d’âge, l’écart commence dès le plus jeune âge et se poursuit jusqu’à l’âge avancé (Moyser, Statistique Canada, 2019).
Pour en savoir davantage sur l’écart salarial entre les genres au Canada, cliquez ici.
De nombreuses preuves indiquent que les femmes victimes de mauvais traitements ou de violence décident peut-être de rester en relation parce qu’une rupture pourrait les plonger, elles et leurs enfants, dans la pauvreté (Gurr et coll., Agence de la santé publique Canada, 2008).
Les femmes à faible revenu sont également confrontées à des obstacles plus importants pour obtenir de l’aide en cas de mauvais traitements ou de violence. Par exemple, le transport vers les services de counseling ou les refuges peut s’avérer difficile pour celles qui n’ont pas de voiture ou n’ont pas accès aux transports en commun. « Les effets conjugués de la pauvreté et de la violence créent une barrière énorme par rapport à l’égalité des femmes, à leur bien-être et à leur participation à part entière dans la société. La pauvreté et la violence reflètent les relations de pouvoir inégales, ce qui se traduit par une discrimination systémique contre les femmes » (Gurr et coll., Agence de la santé publique du Canada, 2008).
Le fait d’aider à briser les cycles intergénérationnels de la pauvreté est une autre raison pour mettre fin à la pauvreté genrée. Lorsque les enfants sont pauvres, c’est souvent parce que leur mère est pauvre. « En outre, les enfants élevés dans la pauvreté sont plus susceptibles de rester pauvres en grandissant » (Gouvernement du Canada, 2018).
En 2019, 1,3 million d’enfants, soit 17,7 % des enfants au Canada, vivaient sous la mesure de faible revenu de la famille de recensement après impôt. Le taux de pauvreté infantile du Nunavut était le plus élevé au pays, soit 34,4 % (Campagne 2000, 2021).
Grandir dans la pauvreté ou en situation de faible revenu peut vouloir dire que les enfants vivent dans un logement instable ou insalubre, sans accès aux besoins fondamentaux comme une alimentation saine et des vêtements chauds. La pauvreté est un déterminant social clé de la santé qui a un impact sur le bien-être physique, mental et éducatif des enfants. Elle suscite des tensions importantes à l’accès aux services de santé, un risque accru de mortalité, de maladies chroniques comme l’asthme et l’obésité, ainsi que des problèmes de santé mentale et un niveau d’éducation plus faible (Robinson, 2019; Gupta et coll., 2007).
Les enfants vivant dans la pauvreté se heurtent à des obstacles plus importants en matière de développement et d’éducation de la petite enfance. Les familles à faible revenu ou vivant dans la pauvreté peuvent ne pas avoir accès à des garderies de qualité permettant aux enfants d’établir une base solide pour commencer l’école et aux parents de travailler. Les facteurs socio-économiques jouent un rôle important dans l’accès des enfants à un soutien comme les services de tutorat et les activités parascolaires. « L’écart de scolarisation se creuse avec l’accès inégal aux meilleures écoles et avec la séparation des “bons” élèves des “mauvais” par le mode de groupement par aptitudes. » [trad. libre] L’accès inégal aux possibilités et avantages en matière d’éducation au fil des générations contribue au cycle de la pauvreté (Rogova et coll., 2016).
De manière globale, le bien-être économique des femmes profite à l’ensemble de l’économie. En s’attaquant aux inégalités entre les genres, « le Canada pourrait ajouter 150 milliards de dollars à son PIB en 2026, soit une augmentation annuelle de sa croissance de 0,6 pour cent, ou 6 pour cent de plus que la croissance actuellement prévue au cours de la prochaine décennie » (Devillard et coll., McKinsey & Company, 2017).
Mis à jour le 6 avril 2022
Profil de données
10 %
des femmes au Canada vivent en situation de faible revenu
23 %
des femmes handicapées vivent en situation de faible revenu
28 %
des ménages dirigés par des femmes au Canada éprouvent un besoin impérieux de logement
17,7 %
des enfants au Canada vivent sous la mesure de faible revenu de la famille de recensement après impôt