« Ma mère est la raison pour laquelle je m’exprime aujourd’hui haut et fort contre la violence conjugale. »

En l’honneur de sa mère, Christopher Rout livre son témoignage afin de contribuer à mettre fin à la violence. Propos recueillis par Diane Hill pour le numéro Printemps 2014 du magazine Dit Elle.

AVERTISSEMENT : Cette histoire contient des éléments qui pourraient déranger certaines personnes.

Mon frère et moi avons été élevés par ma mère, qui était monoparentale. Pendant des années, nous avons tiré le diable par la queue, vécu dans des appartements minuscules et compté sur les dons pour pouvoir manger, pour les cadeaux de Noël et les vêtements, etc. Pendant un moment, nous avons même vécu tous les trois dans une pièce d’une maison de chambres! Mais nous avons toujours eu beaucoup d’amour. Ma mère faisait l’impossible pour que mon frère et moi soyons heureux, et que nous sachions à quel point elle nous aimait.

Lorsque nous avons été assez grands, elle est retournée à l’école pour réaliser son rêve de devenir infirmière. Puis elle a rencontré un homme. Il semblait gentil, occupait un emploi et n’avait aucune objection à vivre avec mon frère et moi. Elle était heureuse et nous étions heureux pour elle. Mais peu de temps après leur mariage, il a commencé à montrer des signes de jalousie qui n’ont pas tardé à se transformer en colère.

Un soir, je suis descendu au salon et j’ai aperçu ma mère recroquevillée dans un coin, le visage ensanglanté et tuméfié. Personne ne devrait jamais voir sa mère dans cet état. Il l’avait battue parce qu’elle avait dit « bonjour » à un autre homme.

Les hommes violents essaient toujours de manipuler les femmes pour les inciter à revenir en leur promettant qu’ils vont « changer et s’améliorer », et ma mère y a cru pendant un certain temps. Mais elle a finalement pris son courage à deux mains et elle a décidé de le quitter. Un jour que mon frère et moi n’étions pas à la maison, elle lui a demandé le divorce en lui disant que rien ne pourrait la faire changer d’idée.

Il s’est mis à lui donner des coups de poing. Elle a gravi les escaliers à toute vitesse et il l’a suivie, l’a empoignée et l’a projetée par terre, puis l’a étranglée jusqu’à ce qu’elle rende l’âme. Il est ensuite retourné au rez-de-chaussée et a bu une bière avant d’appeler la police. Il est vraiment resté assis là à boire une bière pendant que ma mère gisait morte dans la chambre à coucher! Il n’a jamais essayé de la ranimer, n’a même pas appelé l’ambulance, rien.

Au cours du procès, nous avons appris que ma mère s’était souvent rendue à Denise House, une maison d’hébergement pour femmes violentées. Certaines membres du personnel sont venues à la cour pour appuyer ma mère et pour nous aider mon frère et moi. Plus tard, j’ai siégé à leur conseil d’administration afin de donner en retour, après tout ce qu’elles avaient fait pour nous.

Il a été trouvé coupable de meurtre au second degré et condamné à la prison à vie, sans possibilité de libération conditionnelle avant quinze ans. Il a servi cette sentence et a été récemment remis en liberté.

Mon frère et moi avons été forcés de grandir beaucoup trop vite, mais grâce aux belles leçons que nous avait transmises ma mère, nous avons survécu. J’ai reçu un diagnostic de trouble de stress post-traumatique et de dépression, et j’ai suivi des traitements pendant plus de cinq ans.

Il ne se passe pas une journée sans que moi et mon frère ne pensions à elle, et nous pleurons et souffrons encore. Ma mère a été privée de la vie qu’elle aurait pu avoir, et elle a vécu une existence qu’aucune femme ne devrait vivre.

Ma mère est la raison pour laquelle je m’exprime aujourd’hui haut et fort contre la violence conjugale. Elle est toujours ma mère.

Denise House est située à Oshawa, Ontario, et a reçu un financement de la campagne annuelle de la Fondation canadienne des femmes pour mettre fin à la violence faite aux femmes.