Cette lettre a été soumise en réponse à la mort tragique de Joyce Echaquan et aux mauvais traitements qu’elle a subis en septembre 2020.
Montreal, le 5 octobre 2020
Cher Premier ministre :
Nous vous écrivons pour exprimer notre indignation en tant que leaders des mouvements féministes partout au Canada à la suite du décès de Joyce Echaquan, femme Atikamekw et mère de sept enfants, une chère membre de sa famille et de sa communauté. Nous sommes solidaires du groupe Femmes Autochtones du Québec/Quebec Native Women qui exige des actions pour contrer et mettre fin à la violence institutionnelle qui a causé la mort tragique prématurée de Mme Echaquan. Les femmes autochtones confrontent au quotidien le racisme et la discrimination. La mort de Mme Echaquan à la suite de mauvais traitements dans un hôpital de Joliette le lundi 28 septembre est une autre manifestation de ces horribles traitements.
À ce jour, la réponse du gouvernement est totalement inadéquate. Deux employés de l’hôpital ont été licenciés ; trois enquêtes ont été lancées. Ces actions en elles-mêmes sont insuffisantes pour répondre à l’ampleur du problème du racisme systémique anti-autochtone ainsi qu’à l’effusion de colère et de chagrin de partout au Québec et dans le monde.
Nous sommes très inquiètes qu’en tant que chef du Québec, vous n’avez pas dénoncé cet événement pour ce qu’il est : du racisme systémique. La preuve et les expériences des femmes démontrent qu’il ne s’agit pas d’un incident isolé. Il est un exemple flagrant de négligence, de mauvais traitement et de violence fondés sur le racisme anti-autochtone.
Les femmes autochtones se heurtent à des obstacles persistants alors qu’elles tentent d’accéder aux institutions du Québec, faisant face au racisme et aux préjugés dans les hôpitaux, les services policiers, les écoles et, en fait, dans la plupart des institutions gouvernementales. Ces préjugés trouvent leurs racines dans l’histoire des pensionnats, du colonialisme et du génocide. Le produit de cette histoire est des institutions publiques structurées sur des attitudes et des stéréotypes racistes, ce qui entraîne parfois de mauvais traitements, des abus physiques et sexuels, de la négligence et des conséquences tragiques comme la mort de Mme Echaquan.
Le rapport final de la Commission Viens en septembre 2019 concluait que les peuples autochtones étaient victimes de discrimination systémique lorsqu’ils essayaient d’avoir accès aux services publics. Nous appuyons les appels des dirigeant.e.s des Premières Nations à mettre pleinement en oeuvre toutes les recommandations de ce rapport, notamment celles concernant le racisme et la misogynie violents dont font preuve les services de police partout au Québec envers les femmes autochtones. Nous implorons le gouvernement de veiller à ce qu’il y ait une pleine collaboration de nation à nation pour lutter contre le racisme en vigueur dans les tous les services et toutes les institutions.
En particulier, le rapport de la Commission Viens a souligné que les femmes autochtones font face à des obstacles importants en matière de sécurité, y compris les stéréotypes racistes qui ont servi de base aux insultes et injures dirigées contre Mme Echaquan alors qu’elle mourait. Cette forme unique de racisme à laquelle les femmes autochtones sont confrontées en tant que femmes et en tant qu’autochtones a également été identifiée par les Appels à l’action du rapport de la Commission de vérité et réconciliation et par les Appels à la justice du rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Les deux rapports ont qualifié cette violence de génocide. Nous demandons au gouvernement du Québec de mettre en oeuvre toutes les actions présentées dans les trois rapports pour mettre fin à ce génocide.
Il est temps d’agir directement et sans équivoque, tout d’abord en reconnaissant que les communautés autochtones sont confrontées à des systèmes québécois racistes. Nous appuyons l’appel de Femmes Autochtones du Québec/Quebec Native Women pour une reconnaissance officielle du racisme systémique dans les institutions du Québec. Si vous ne pouvez pas le reconnaître pour ce qu’il est, vous ne pouvez pas l’arrêter. Nous attendons de vous que vous en fassiez votre priorité : mettre fin au racisme systémique avant qu’il ne tue davantage de femmes autochtones.
Lettre envoyée par :
Fondation canadienne des femmes
Lettre co-signée par :
Amnesty International Canada
Amnistie internationale Canada francophone
Canadian Alliance for Sex Work Law Reform
Canadian Centre for Gender and Sexual Diversity
Canadian Centre for Policy Alternatives / Centre canadien des politiques alternatives
Canadian Council of Muslim Women
CCNC-SJ
CFUW
Childcare Now
Chinese and Southeast Asian Legal Clinic
CRIAW/ICREF
DAWN/ RAFH Canada
EVA Canada
FAFIA-AFAI
LEAF
NAFC
National Congress of Black Women Foundation
NAWL/ANFD
OCASI
Platform
SALCO
UNIFOR
West Coast LEAF Women’s Shelters Canada / Hébergement femmes Canada
cc.
Le très honorable Justin Trudeau, Premier Ministre du Canada
L’honorable Carolyn Bennett, Ministre des Relations Couronne-Autochtones
L’honorable Marc Miller, Ministre des Services aux Autochtones
Mme. Sylvie D’Amours, Ministre responsable des Affaires autochtones