Les femmes en temps de pandémie : les faits

La pandémie de COVID-19 a entraîné des bouleversements sans précédent, tant au Canada que partout dans le monde. Au-delà des effets épidémiologiques, l’éclosion de la maladie touche les personnes et les groupes de manière très différente.

« Dans tous les domaines, de la santé à l’économie, de la sécurité à la protection sociale, les impacts de la COVID-19 sont encore plus graves pour les femmes et les filles du simple fait de leur genre, souligne un bulletin politique des Nations Unies. Même les modestes progrès réalisés au cours des dernières décennies risquent de disparaître sous l’effet de la propagation de la COVID-19. » La Commission canadienne des droits de la personne a fait écho à cette déclaration en disant : « Ces impacts disproportionnés peuvent avoir de lourdes conséquences à long terme. Si nous voulons redonner de l’élan aux efforts investis afin d’instaurer l’égalité des sexes au Canada, les efforts de relance sociale et économique doivent adopter une approche féministe. »

Les circonstances de pandémie aggravent les inégalités liées au genre et les autres facteurs comme la situation économique, la race, la culture, la langue et les différents éléments intersectionnels de nos identités. Il faut comprendre les effets genrés multidimensionnels de la pandémie, particulièrement dans les domaines de la violence fondée sur le genre, la sécurité économique, l’autonomisation des filles et le leadership inclusif.

Questions fréquentes sur les femmes et la pandémie de COVID‑19

L’expérience personnelle qu’ont les gens des pandémies est ancrée dans les inégalités sociales de longue date qui nous touchent tous, chaque jour. L’analyse épidémiologique sur le genre et sur les taux d’infection, de guérison et de mortalité liés à la COVID‑19 est un processus continu.

Selon l’Agence de la santé publique du Canada, davantage de femmes que d’hommes contractent la COVID-19 et en meurent. Cette constatation peut être due au fait qu’un grand nombre de femmes vivent dans des résidences pour personnes âgées, ainsi que dans les maisons de soins infirmiers où un taux élevé de décès est lié au coronavirus. De plus, on ne saurait ignorer qu’une forte proportion de femmes œuvrent en première ligne dans les services de santé, de soins, de nettoyage et autres rôles essentiels où elles courent un risque accru de contamination.

Les mesures d’isolement imposées afin d’éviter la propagation du virus ont quatre impacts genrés déterminants pour les femmes, notamment :

  • un risque accru de violence fondée sur le genre (voir « Pourquoi la pandémie de COVID-19 est-elle liée à une escalade de violence fondée sur le genre? »);
  • une augmentation du stress économique (voir « Quel sera l’impact économique de la pandémie de COVID‑19 sur les femmes au Canada? »);
  • un fardeau accru de soins aux enfants et de tâches ménagères;
  • un accès réduit aux services de soutien.

Les femmes et les filles qui font face à de la discrimination et à des barrières intersectionnelles pourraient éprouver des difficultés supplémentaires liées à la pandémie. Parmi ces communautés, notons les suivantes :

Communautés des Premières Nations, des Métis et des Inuits

En 2009, l’éclosion de la grippe pandémique H1N1 a touché de manière disproportionnelle les communautés autochtones au Canada. Dans la foulée de la pandémie de COVID‑19, cela peut indiquer des risques plus élevés. L’histoire du colonialisme canadien signifie que plusieurs communautés autochtones rencontrent un certain nombre d’obstacles à la santé et à la sécurité, notamment le surpeuplement, l’isolement, l’infrastructure vieillissante, l’accès limité à internet. Les femmes et les filles autochtones sont également exposées à un risque accru de violence fondée sur le genre, qui peut être aggravé par les mesures d’isolement. Plusieurs communautés autochtones ont fermé leurs frontières afin d’éviter la propagation de COVID‑19, étant donné les risques démesurés auxquels ils font face.

Communautés de l’Asie de l’Est

La propagation de COVID‑19 a provoqué une montée des actes de racisme contre les membres des communautés d’Asie de l’Est au Canada. Certains commerçants ont fait état d’une clientèle moins nombreuse en raison de la stigmatisation associée à la maladie. Divers incidents ont incité une coalition de groupes antiracistes à demander au gouvernement fédéral de prendre des mesures afin de combattre la discrimination et les crimes haineux contre les Asiatiques.

Communautés noires

Le Canada n’effectue pas encore suivi de la race ni de l’ethnicité dans le cadre de sa collecte de données sur la COVID‑19, mais certaines provinces, dont le Manitoba et l’Ontario, commencent à le faire. Toutefois, nous ne sommes pas encore équipés pour comprendre les raisons pour lesquelles les communautés noires et les autres communautés racialisées subissent des répercussions différentes. Cela présente une grave lacune dans notre capacité à réagir au virus et à sauver des vies au moyen de solutions adaptées.

Dans certaines régions des États-Unis, le taux de mortalité associé à la COVID-19 est disproportionnellement élevé chez les communautés afro-américaines, se rapportant à des obstacles systémiques aux soins de santé et aux possibilités économiques.

Au Canada, les autorités gouvernementales et sanitaires reçoivent régulièrement des demandes visant à améliorer la collecte de données sur la santé, fondées sur la race.

Femmes en situation de handicap

Les femmes handicapées pourraient être exposées à un risque accru de la maladie de COVID‑19 en raison, par exemple, d’une incapacité à pratiquer l’éloignement social vu la dépendance aux aidants. En outre, il existe peut-être davantage d’obstacles à la pratique des mesures de prévention recommandées en matière d’hygiène.

Femmes âgées

Dans les établissements de soins de longue durée au Canada, les multiples éclosions de COVID‑19 ont mis en évidence les lacunes systémiques que les femmes âgées peuvent rencontrer dans ces foyers, surtout en ce qui a trait à l’efficacité du personnel et de la supervision.

Fracture numérique et autres obstacles aux informations et services en ligne

Le recours accru aux ressources numériques pendant la pandémie pourrait laisser pour compte certaines femmes et filles. L’accès à la technologie est important non seulement pour les mises à jour sur le coronavirus, les mesures d’isolement et la façon d’accéder à l’aide gouvernementale, mais il est aussi devenu indispensable pour l’emploi et l’éducation pendant l’isolement.

  • La fracture numérique existe pour ceux qui vivent dans les régions rurales et éloignées du Canada, où les services internet et cellulaires sont moins fiables.
  • Les personnes à faible revenu n’ont peut-être pas un accès personnel aux ordinateurs ou aux appareils mobiles, surtout quand plusieurs membres de la famille doivent y avoir accès en même temps pour le travail et l’apprentissage scolaire. Celles qui comptaient auparavant sur les ressources publiques comme les bibliothèques pour l’accès numérique ne peuvent plus le faire.
  • Moins à l’aise avec les ressources numériques, les femmes âgées risquent de ne pas connaître les moyens d’accéder aux informations et ressources liées à la pandémie. À Calgary, un service d’assistance téléphonique a été mis sur pied pour venir en aide aux aînées pendant la pandémie de COVID‑19.
  • Les personnes ayant un handicap, comme des déficiences visuelles ou auditives, ne disposent peut-être pas des mises à jour de COVID‑19 dans un format accessible, tel que le sous-titrage.

Selon les rapports et les appels de crise en Chine, en France et au Royaume-Uni, la pandémie de COVID-19 est liée à une flambée de violence conjugale. Cela fait écho à ce qui s’est passé lors d’épidémies antérieures.

Au Canada, les organisations et refuges pour femmes ont également sonné l’alarme quant au risque accru de violence. Par exemple, l’Ontario Association of Interval and Transition Houses souligne que 20 % des 70 maisons d’hébergement qu’elle représente ont enregistré une augmentation des appels de crise pendant la pandémie. Certains services de police notent aussi un plus grand nombre de rapports de violence conjugale. Un sondage de Statistique Canada sur la COVID‑19 indique qu’une femme sur dix se dit très ou extrêmement préoccupée par la possibilité de violence au foyer.

Les taux de violence fondée sur le genre étaient élevés au Canada, même avant la pandémie : en moyenne, tous les six jours, une femme est tuée par son partenaire intime. Des milliers de femmes, de filles, de personnes transgenres et de personnes non binaires font maintenant face à un risque accru de violence au foyer en raison des mesures d’isolement liées à la COVID‑19, qu’elle consiste en de mauvais traitements d’ordre affectif, physique ou sexuel.

Là où des facteurs de risque de violence fondée sur le genre au foyer existent déjà, comme un sentiment de contrôle, une jalousie possessive et des attitudes misogynes, divers facteurs de stress ayant rapport à la pandémie peuvent devenir des déclencheurs, notamment :

  • les pertes d’emploi et la diminution des revenus;
  • l’insécurité alimentaire;
  • les craintes de contracter le coronavirus;
  • des problèmes de santé mentale aggravés;
  • la perturbation des ressources, des services et des routines liés à la famille.

Les quarantaines et l’isolement social signifient que les agresseurs et leurs victimes se trouvent en étroite proximité 24 heures sur 24 et que les autres personnes ne sont pas là pour constater les signes de violence et intervenir.

L’isolement social crée aussi de nouveaux obstacles pour les personnes faisant l’objet de maltraitance ou de violence qui souhaitent accéder aux services offerts par les refuges, les centres d’aide aux victimes d’agressions sexuelles et autres soutiens communautaires. Les organismes continuent de fonctionner malgré les nombreux nouveaux défis qu’ils doivent surmonter. En temps normal, les femmes vivant des relations de violence peuvent difficilement demander de l’aide en toute confidentialité. Cependant, en raison de la pandémie, la tâche est encore plus difficile.

Il est donc important de connaître l’Appel à l’aide, un simple signe de la main que la personne peut faire pendant un appel vidéo. Le geste peut l’aider à indiquer en silence qu’elle a besoin d’aide et qu’elle souhaite que quelqu’un lui demande en toute sécurité si tout va bien. Renseignez-vous sur l’appel et la façon de réagir si vous en êtes témoin.

Bien que les gouvernements du Canada et de l’Ontario aient annoncé un financement d’urgence pour les refuges pour femmes et autres services destinés aux victimes de violence fondée sur le genre, nous savons que le besoin de fonds supplémentaires se fait pressant. Les services axés sur la prévention de la violence et l’intervention avaient déjà du mal à répondre aux besoins des femmes avant l’arrivée de la COVID‑19, en particulier dans la foulée du mouvement #MoiAussi et l’enquête sur les plaintes non fondées du Globe and Mail.

Les femmes occupent majoritairement les rôles professionnels qui les placent en première ligne tant pour les soins de santé que pour les emplois considérés comme des services essentiels durant la pandémie COVID‑19.

Selon Statistique Canada, les trois industries où le ratio femmes-hommes est le plus élevé au Canada sont les soins de santé et l’assistance sociale (82,4 %), les services éducatifs (69,3 %), et l’hébergement et la restauration (58,5 %). En 2015, « environ 56,0 % des femmes exerçaient des professions associées à cinq domaines particuliers, que l’on appelle les “5 C” (pour caring, clerical, catering, cashiering et cleaning en anglais), soit la prestation de soins, les emplois de bureau, les services de traiteur, les emplois de caissiers et le nettoyage ».

Les femmes qui travaillent dans le secteur de la santé – notamment les médecins, les infirmières, et les soignants rémunérés – n’ont pas le privilège de s’isoler chez elles parce que nous dépendons d’elles pour prodiguer des soins. Les professionnels de la santé sont en majorité des femmes : infirmières, techniciennes de laboratoire médical, inhalothérapeutes et personnel de soutien.

On a également signalé que le stéréotype de genre quant à la conception des équipements de protection individuelle peut limiter l’efficacité des femmes et entraver leur travail. Étant donné que la conception de l’équipement repose vraisemblablement sur les proportions du corps masculin, les femmes trouvent peut-être que l’équipement ne leur convient pas ou ne fonctionne pas bien pour elles.

Les femmes qui travaillent comme nettoyeuses, caissières, et travailleuses des services alimentaires continuent aussi à jouer un rôle important de service au public dans les épiceries, pharmacies, drogueries et autres entreprises et services essentiels restés ouverts pendant la pandémie.

Étant donné que les femmes sont surtout présentes dans les secteurs et industries les plus touchés par les mesures d’isolement, une proportion plus élevée de femmes ont perdu leur emploi dès le début de la pandémie. Durant la semaine du 15 au 21 mars, l’emploi a chuté de 298 500 (5 % chez les femmes âgées de 25 à 54 ans), soit plus du double de celui des hommes.

Du fait des restrictions de voyage, les mises à pied ont touché les femmes travaillant comme agentes de bord, cuisinières, serveuses, et nettoyeuses dans les secteurs des voyages et de l’accueil. Ayant fermé ou réduit leurs heures d’ouverture, les magasins ont licencié nombre de travailleurs de la vente au détail, dont plusieurs sont aussi des femmes. En dehors des industries fermées par la COVID‑19, les femmes représentent également la majorité des travailleurs payés au salaire minimum et des travailleurs à temps partiel au Canada. Même dans les circonstances les plus favorables, ces postes sont précaires.

La pandémie intensifie les obstacles économiques auxquels les femmes sont déjà confrontées dans tout le Canada. Les recherches indiquent qu’à long terme, les pandémies peuvent avoir un impact plus important sur les revenus des femmes que sur ceux des hommes.

Au Canada, la pauvreté est déjà genrée. Les femmes représentent 60 % des personnes en difficulté économique au pays, ce qui signifie qu’elles déclarent pouvoir à peine couvrir leurs dépenses de base et avoir peut-être besoin de prêts sur salaire ou de banques alimentaires pour s’en sortir.

La pandémie de COVID‑19 implique de nouveaux défis dans la prestation de services de soutien pour celles qui sont en difficulté, comme les banques alimentaires qui n’arrivent pas à répondre à la demande et les fermetures de services publics, dont les écoles, les centres communautaires et les bibliothèques.

Bien que les annonces d’aide et de secours des gouvernements fédéral et provinciaux soient encourageantes, plusieurs femmes risquent encore de passer entre les mailles du filet.

Les femmes qui occupent des postes de leadership occupent des rôles puissants et visibles dans la réponse à la COVID‑19 au Canada et dans le monde. Certaines d’entre elles, comme les dix médecins en chef du pays, sont rapidement devenues des personnalités connues.

Parallèlement, il est important de penser au fait que plusieurs des femmes leaders ne font pas la une, bien qu’elles sont aussi en première ligne de la réponse à la COVID‑19. Parmi elles, les infirmières, les prestataires de services communautaires, les travailleuses auprès des personnes âgées et les employées de magasin prennent des décisions difficiles et passent à l’action. Ces rôles essentiels, qui font partie des fonctions dirigeantes pratiques dans nos environs, sont souvent assumés par des femmes diverses, au risque de leur propre vie et de celle de leur famille.

Bien que les femmes demeurent sous représentées dans les rôles de direction officiels au Canada, il n’est pas surprenant que le leadership des femmes dans la réponse canadienne à la COVID‑19 ait été applaudi. De nombreuses recherches indiquent qu’un leadership inclusif mène à une plus grande réussite : la diversité des genres et des races est corrélée à une meilleure performance des entreprises.

Le leadership des femmes a le potentiel d’ouvrir de nouvelles voies à travers la pandémie, et ce, pour plusieurs raisons :

  • L’émergence de divers modèles de rôle, en particulier dans le domaine des STIM, peut motiver d’autres femmes et filles à poursuivre ces activités.
  • Une plus grande diversité de leadership aide à briser les stéréotypes, à savoir comment définir un bon leader et reconnaître ses qualités.
  • Quand des femmes diverses participent aux processus décisionnels, elles sont en mesure d’y apporter une optique d’égalité des genres plus forte.

Les enquêtes menées au début de la pandémie ont indiqué que les femmes du Canada portaient un plus grand fardeau d’inquiétude sur la situation que les hommes.

Selon un sondage réalisé par Abacus Data, 49 % des femmes ont déclaré se sentir « très inquiètes » au sujet de l’épidémie par rapport à 33 % des hommes. Les données montrent aussi que les hommes étaient moins susceptibles de suivre les conseils des responsables de la santé publique, à savoir rester à la maison et pratiquer l’éloignement social.

Une enquête d’opinion de Léger révèle que 75 % des femmes craignaient qu’un membre de leur famille ne contracte le coronavirus par rapport à 64 % des hommes.

Selon une enquête réalisée en avril 2020 par l’Institut Vanier de la famille, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à déclarer se sentir très souvent ou souvent anxieuses ou nerveuses en raison de la pandémie. Elles sont aussi plus nombreuses que les hommes à déclarer avoir des difficultés à dormir très souvent ou souvent depuis le début de la pandémie.

La Fondation a lancé le Fonds Les Persévérantes ensemble : un fonds d’urgence national destiné à apporter un soutien essentiel aux femmes et aux filles pendant la crise COVID‑19.

La Fondation travaille également avec le gouvernement du Canada à accorder un financement d’urgence à certains services et prône une forte optique d’égalité des genres sur les politiques mises en œuvre pendant et après la pandémie.

Pour en savoir plus : comment votre soutien aide les femmes et les filles pendant la pandemie.